Dans notre précédent article, nous vous expliquions comment les différentes compagnies des Indes s’étaient créées en Europe. Aujourd’hui, nous vous proposons de regarder de plus près l’influence de ce trafic commercial en matière d’art et de culture.

Masupilatam

1688.
Aquarelle
BnF, département des Estampes et de la photographie, OD-55 PET FOL, f. 16
© Bibliothèque nationale de France
À Masulipatam, sur la côte de Coromandel, en Inde, cohabitaient trois loges marchandes signalées ici par les lettres A, B et C, correspondant aux pavillons français, anglais et hollandais.

En plus des épices, tissus, porcelaines… les marchandises transportées étaient composées de nombreux objets extra-européens mais également d’objets “métisses”, réalisés spécifiquement à l’intention des Européens dans les zones d’action des Compagnies de commerce européennes. À  de rares exceptions, négociants et fonctionnaires reproduisaient sous les tropiques leur cadre de vie européen.

Cette production particulière, fruit d’un échange culturel et religieux original, se développe dans la plupart des comptoirs européens. Mais la majeure partie de ces objets “métissés” a été réalisée en Inde ou en Chine pour les besoins de l’exportation vers l’Europe, dans le cadre du commerce à monopole des compagnies parmi lesquels figurent éventails, mobiliers, coffrets et objets en laque, etc. Ils sont le résultat de la rencontre commerciale, politique et culturelle, entre Asiatiques et Européens. Les premiers ayant des savoir-faire et des matières premières inconnus en Europe (ou impossible à exploiter) sur lesquels les seconds projetaient leur désir de forme, de goût et de coût.

Cette entente commerciale a donné naissance à des objets que les Européens trouvaient furieusement exotiques pour ne pas dire asiatiques et que les asiatiques n’ont jamais utilisés en raison de leur caractère trop européen… Hybrides donc, tous ces objets ne révèlent pas à proprement parler une culture ou une autre. Ils sont avant tout le produit d’un commerce mondialisé.

La “Verenigde Oostindische Compagnie”, ou Compagnie des Indes hollandaise fut une des premières à ouvrir un comptoir en Orient, et c’est ainsi que les premiers paravents et autres objets en laque arrivèrent en Europe.

Les Anglais, dans la deuxième partie du XVIIe siècle, adoptèrent l’idée de plaquer des morceaux de feuilles de paravent sur leurs meubles de luxe. Les Français firent de même un peu plus tard, en se fournissant d’abord via la Hollande.

Le plus souvent, les meubles européens plaqués de feuilles de laque l’étaient en laque de Chine, ou de Coromandel (de Chine également, mais se différenciant par le fait que le décor est incisé, un peu à la manière d’une gravure cf. notre article sur les Coromandel).

 

Petite boîte polylobée en laque du Japon

Cette petite boîte de forme n’est pas sans rappeler les très célèbres laques de la collection Marie-Antoinette à Versailles. Ces petites boîtes suscitaient dés le XVIIIe siècle, curiosité et admiration, recherchées pour tant pour leur rareté que leur exotisme ou leur préciosité dans leur qualité d’exécution.

Les laques du Japon sont de grande qualité et très chers. Au milieu du XVIIème siècle, le shogunat japonais cesse toute relation avec l’étranger sauf avec la Chine et le comptoir néerlandais à Nagasaki (vous pouvez lire aussi notre article sur le style Nanban qui relate l’histoire du Japon à cette période) rendant les laques japonais de cette période quasiment impossibles à se procurer ce qui explique que ceux que l’on trouve en Europe datent pratiquement toujours du XVIIe siècle. Ils étaient recherchés et précieusement gardés par les principaux marchands-merciers qui les réservaient pour les grands ébénistes et les meubles prestigieux.

Les compagnies des indes françaises, portugaises, anglaises et hollandaises, ont transmis leur goût pour les meubles européens. Le mobilier plus petit était utilisé pour les voyages. On trouve des commodes de bateau en 2 parties, des bureaux démontables, des tables pliantes, des écritoires et des coffres. Tous sont des pièces uniques souvent renforcés de fer ou de laiton. Le teck, très solide, avait une place importante dans ces fabrications, comme aussi les acajous, le palissandre et le camphrier. Les coffrets les plus précieux étaient faits en bois de citronnier (bois de satin) et d’ébène, décorés de marqueterie d’ivoire et d’argent.