La côte de Coromandel, qui se situe en au sud-est de l’Inde, dans le golfe du Bengale a donné son nom à des laques chinois représentés pour l’essentiel par des paravents qui ont connu un grand succès en Europe à partir du XVIIème siècle.
Pour comprendre comment ces objets ont pu être crus fabriqués en Inde, il faut se replonger dans l’histoire des relations internationales des XVIIème et XVIIIème siècle.
Côte de Coromandel en Inde. cc-BY-SA 3.0 wikimedia commons
La dynastie Qing
La Chine connaît jusqu’au XVIIème siècle une longue période de guerres et de difficultés financières qui aideront les Manchous à la conquête du territoire et à l’avènement de la dynastie Qing qui durera de 1644 à 1911. L’empire Mandchou atteindra son apogée au milieu du XVIIIème siècle pour connaître ensuite un déclin progressif jusqu’en 1911. La vie de Puyi, le dernier empereur Qing, est connue du grand public grâce au film de Bernardo Bertolucci.
Pour la période qui nous concerne, trois empereurs se succèdent: Kangxi qui régna de 1662 à 1722, Yongzheng (r. 1723-1735) et Qianlong (r. 1736-1795). Tous trois furent de grands mécènes et collectionneurs.
Un renouveau décoratif
Les laques dits de Coromandel, nous comprendrons bientôt pourquoi, inaugurent un nouvel art décoratif. Ce sont des panneaux, plus rarement des objets de petites tailles, assemblés en paravents qui peuvent atteindre 3 mètres de haut et 60 centimètres par feuille.
Un fin tissu de lin ou de chanvre est collé sur une âme de bois puis enduit de laque presque toujours noire, parfois brune, en couches successives atteignant environ 3 millimètres. Le décor est ensuite cerné d’incisions et modelé en creux, puis peint de pigments colorés mats qui contrastent avec le brillant du laque. Cette technique est connue en Chine depuis le XVIe siècle : elle est appelé « kuan cai ». Les motifs présentent le plus souvent des personnages et palais sur un côté et des oiseaux et fleurs de l’autre.
La technique utilisée rendait ces panneaux moins coûteux à réaliser que ceux à incrustations de nacre ou de pierres dures comme ceux de la cour impériale et c’est la raison pour laquelle ils étaient plutôt destinés à des personnalités n’appartenant pas à la cour ou à des hauts fonctionnaires. Cela explique aussi le fait que l’on ne trouve pratiquement jamais des paravents en laque de Coromandel avec un décor de dragons à cinq griffes, symbole impérial.
De la Chine à l’Europe en passant par l’Inde
Dès le XVIème siècle, des objets chinois apparaissent en Europe grâce au commerce avec les portugais qui ont pris pied en Chine vers 1514. Des ateliers dédiés à l’exportation d’objets d’art s’y développent. Les riches marchands européens passaient commande d’objets en laque mais aussi de porcelaines et de soieries. Les Hollandais et les Anglais se disputeront la suprématie sur ce commerce au travers de la Compagnie des Indes Orientales et la East India Company britannique pendant tout le XVIIème et le XVIIIème siècle.
Les paravents partaient de Chine sur des jonques pour arriver sur la côte de Coromandel en Inde dans les comptoirs comme Madras, Kulikat ou Pondichéry. Transbordés sur des navires hollandais ou anglais, ils voyageaient ensuite vers l’Europe.
Pour les clients européens, ces objets venaient de Coromandel sans plus de précision sur leur origine véritable. C’est ainsi que des objets représentatifs de l’art chinois de la laque portent le nom d’une côte indienne.