L’arrivée des beaux jours nous a donné l’envie de parler de l’aspect botanique de la laque végétale.
Nous vous avons déjà dit que la source de notre matériau de base est un arbre d’origine chinoise qui s’est naturalisé au Japon et dans une grande partie de l’Asie : l’Arbre à laque ou Vernis du Japon (Toxicodendron vernicifluum anciennement Rhus verniciflua).
La sève de ce grand arbre d’une vingtaine de mètres est récoltée plusieurs fois par an. Le latex produit devient ensuite la laque.
Cette sève est très toxique, elle contient des éléments allergisants comme l’urushiol, qui tire son nom du nom japonais de cette espèce urushi (漆). C’est la raison pour laquelle l’arbre porte le nom botanique Toxicodendron, qui signifie arbre toxique, poison.
L’urushiol est une substance chimique non volatile et un puissant allergène qui peut provoquer des dermites de contact, pouvant se manifester par des démangeaisons, des inflammations de la peau, ou plus sérieusement des lésions suintantes qui peuvent être accompagnées par de la fièvre. Ça ne donne pas trop envie d’en manger, non?
Pourtant, en Corée il est habituel de manger les feuilles en salade. C’est l’aventure qu’a vécue Antoine de Maximy dans « J’irai dormir chez vous ». Regardez : ses hôtes coréens le mettent bien en garde de ne pas frotter les feuilles contre sa peau, mais lui proposent plutôt de les manger trempées dans une sauce pimentée.
Plusieurs amis nous ont parlé du vernis du Japon qu’ils ont dans leur jardin. En cherchant un peu, nous avons découvert un vrai bazar botanique : non seulement l’arbre à laque a changé de famille -ça arrive au cours du temps quand les scientifiques réorganisent les classifications-, mais surtout, nous nous sommes rendu compte que le nom vulgaire vernis du Japon décrivait selon les auteurs des arbres différents. Et ça ne date pas d’hier! Pour faire simple, on a le vrai vernis du Japon (Toxicodendron vernicifluum), le faux (Ailanthus altissima) et le faux-faux (Toona sinensis).
Histoire d’une confusion ou l’introduction de Ailanthus en Europe
Au XVIIIème siècle, époque de la vogue des “chinoiseries” dans les intérieurs européens, les Jésuites étaient déjà installés depuis longtemps en Chine et l’un deux, Pierre Nicolas Le Chéron d’Incarville, (Louviers, 21 août 1706 — Pékin, 12 juin 1757), était un passionné de botanique. Il était correspondant du Jardin du roi et fit parvenir à Bernard de Jussieu (1699-1777) et à Buffon (1707-1788) un grand nombre de graines d’arbres et arbustes. En 1751, il a aussi envoyé des graines à la Société Royale de Londres les présentant comme les graines de Frêne puant et que d’autres ont nommé Vernis du Japon pensant -à tort- qu’il fournit la laque.
L’arbre s’est rapidement propagé dans toute l’Europe ainsi qu’en Amérique. Il est de nos jours considéré comme plante invasive.
Le père d’Incarville n’est donc pas l’auteur de cette erreur, même s’il en est l’origine.
Quant à la date d’introduction du vrai Vernis du Japon en Europe et en France, les sources historiques sont muettes, mais il est très probable qu’elle soit antérieure.
L’Ailanthus a été utilisé au cours du XIXème siècle pour la sériciculture car un papillon, le bombyx de l’ailante, l’apprécie beaucoup. Sa chenille produit des cocons dont on tire de la soie. Le papillon s’est maintenu, après l’abandon de son élevage, dans des zones urbaines (parcs et jardins plantés en Ailantes), là où la chenille échappe à ses prédateurs naturels. Ce faux vernis du Japon fut une erreur utile jusqu’au moment où sa prolifération l’a fait considérer comme envahissante.
Et le Toona sinensis ? Où l’on retrouve le père d’Incarville
Si l’Ailante est le “faux” vernis du Japon, il existe aussi un “faux-faux” le Toona sinensis, communément planté dans les villes, et qui a aussi de grandes feuilles composées pennées. Il est aussi appelé Cedrela ou encore Acajou de Chine.
Adrien de Jussieu en fit la description vers 1830, lui donnant le nom de Cedrela. Le diminutif de ‘cedrus’ cèdre, lui a été donné pour la similitude et l’odeur de son bois dur d’un brun rosé.
Découvert par le père d’Incarville, l’acajou de Chine fut introduit en Europe via la France où il fut planté à Paris, au Jardin des Plantes en 1862. Il y vit encore semble-t-il.
Figurez-vous qu’en Chine, les jeunes pousses se consomment en légumes.
Pour en savoir plus :
Le réseau botanique francophone et plus particulièrement la fiche Vernis du Japon sur l’ailanthus altissima
Quelques personnages historiques à découvrir :
Pierre Nicolas Le Chéron d’Incarville
Engelbert Kaempfer qui, lui aussi a décrit des espèces botaniques chinoises, notamment le Gingko biloba